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La voyante

Shéhérazade raconte tous les soirs des histoires au roi. Des histoires qu'elle a regroupées du fond de l'Egypte, mais qui sont riches en morale. Aujourd'hui, elle raconte l'histoire de la voyante.

Il était une fois un village sur le bord d’une route fréquentée constamment par des voyageurs. Ce village se situait au fin fond du monde, éloigné de toute source de vie et d’argent. Dans ce village se trouvait une vieille femme qui se disait voyante et dotée de qualités hors pair. Les gens du village croyaient en ses qualités au point qu’elle s’était fait une réputation auprès des voyageurs qui ne pouvaient continuer le trajet sans recourir à ces services.

Au début, la liseuse d’avenir ne prenait que deux dinars pour dire aux autres ce que le destin leur réserve. Mais petit à petit, ce prix augmente et monte. Il atteint la somme de 20 dinars. Et, tous les voyageurs ne pouvaient pas alors s’offrir cette possibilité. Evidemment, la voyante leur donnait des conseils sur la route à suivre, sur les choses à éviter, sur les lieux à craindre. Autant d’informations qui l’auréolaient au point que les gens ont commencé à dire que nul ne peut entamer son voyage sans payer les services de la voyante.

Les plus pauvres sollicitaient sa pitié, mais elle ne l’accordait que rarement. Elle adorait présenter ses services oraux devant une foule venue spécialement pour la voir et pour la contempler en train de réaliser des « miracles ». Des miracles qui faisaient rêver la foule. Et, les dinars augmentent et s’empilaient dans la maisonnette de la voyante.

Quant à la voyante, elle adorait passer des heures au bord de la route et discuter avec les passants et les voyageurs sur leurs aventures, sur les autres villes, les autres villages, les montagnes, les problèmes qu’ils ont rencontrés. Une tactique très intelligente pour recueillir le maximum d’informations et pouvoir ensuite donner ses précieux conseils.

Un jour, un vieil homme était de passage. Tous ceux qui étaient avec lui à bord d’une charrette ont payé soigneusement les 20 dinars pour que la voyante leur dévoile l’avenir et les dangers qu’ils peuvent rencontrer sur l’autoroute. Tous sauf ce vieil homme. Son calme perturbait la voyante, même s’il est pauvre, il devrait venir comme les autres la supplier afin de connaître son sort. «Pourquoi ne vient-il pas?», s’est-elle dit. Elle était en colère et souhaitait savoir : «Comment peut-il rester si calme et si serein sans mon aide ?»

Elle a alors commencé à se dire que ce vieil homme donne un très mauvais exemple aux autres. Pourtant, les autres ne le remarquaient même pas.

A pas fermes, elle est allée vers lui et l’a interrogé d’un ton assez hautain : «Vieil homme ne souhaitez pas que je vous prédise l’avenir ? Allez-vous poursuivre votre route sans mes précieux conseils ?»

Tout le monde regardait la voyante avec admiration et semblait s’apitoyer sur le sort du vieil homme.

Devant l’insistance, il a décidé de sortir de son silence : «Que voulez-vous la liseuse de l’avenir?»

«Je veux vous aider», a-t-elle dit.

«Comment m’aider, si vous pouvez vraiment lire l’avenir si bien ? Comment vous ne pouvez pas savoir que dans ma poche je n’ai même pas deux dinars pour vous payer ? Et encore, je suis arrivé à ma destination, je ne vais pas compléter davantage la route, ne le saviez-vous pas ? »

Bouche bée, la foule avait été choquée, mais aussi convaincue, par la réponse du vieil homme. Depuis ce jour, la voyante n’a jamais réapparu sur la route. Certains voyageurs disent pourtant avoir son spectre sur la route les soirs pluvieux.